Toujours vierge!?
- SalmaBK
- 12 févr. 2024
- 5 min de lecture

Le 25 Septembre 2023, à 17h. Tu rencontres un homme et la communication s’établit. Vous discutez des jours durant. Vient le premier baiser, le second, puis un jour, il dort dans ton lit. Pourtant, rien ne se passe. Le lendemain, il s’en repart chez lui. C’est un homme qui vient d’un autre pays alors tu ne le vois plus pendant des semaines, des mois, mais vous continuez à parler, tous les jours. Tu en viens même à te demander si tu n’es pas amoureuse. Pourtant, vous n’habitez pas seulement deux pays différents, vos croyances le sont aussi. Différentes. Par exemple, il ne sait pas que tu es encore vierge. Que tu souhaites peut-être le rester. Il veut te revoir. Fait des mains et des pieds pour te faire venir chez lui et tient sa promesse de t’accueillir comme une princesse.
Ce soir-là, tu défais bagages et les corps ne patientent plus. Vous ne vous êtes pas revus depuis trop longtemps. Toi-même, furieusement embrasée de désir, engourdie par des semaines d’anticipation et l’envie de sentir ses mains sur toi, tu l’embrasses de toutes tes forces. Il te soulève et te colle contre un mur. Un éclair traverse ton bas-ventre. Ton cerveau s’embrume. Il t’embrasse partout, te touche partout. Tu irradies de plaisir et ne souhaite qu’une chose. L’abandon. A ses caresses, pour recevoir et offrir ce plaisir. Ta chair est douce. Contre la sienne, elle se réchauffe. C’est si bon. Tu es propre, épilée. Lui, dégage un parfum boisé… D’un geste, il baisse ton pantalon. Essaie d’insérer un doigt. Tu sursautes, essaies de te dégager. Il ne comprend pas ton geste et te retourne.
Tu es sur le ventre, nue, offerte. Il est excité comme un homme. Tu murmures « il faut que je te dise quelque chose d’abord ». Puis plus rien ne sort de ta gorge. Ton cerveau est un nuage de plaisir et tu ne sais plus si tu dois lui avouer que, par ce choix que tu ne t’expliques plus, tu es encore vierge, ou si tu devrais garder le silence et le laisser te pénétrer de toute la force de son excitation. Pour enfin savoir. Toi aussi. Ce que c’est. Ce nirvana. Et rompre le fardeau d’un hymen que tu traînes depuis trop longtemps, sans plus savoir pourquoi.
La théorie religieuse est bien belle : « Attend de trouver quelqu’un qui voudra s’engager avec toi et fera l’effort de te passer la bague au doigt. Puis saute le pas et donne toi. » Mais en réalité, tu t’entends bien avec cet homme, il fait déjà tous les efforts du monde.
Pourtant, là, il ne comprend pas. « Pourquoi te rends tu la vie si difficile ? » Te dit-il. « Pourquoi te prives tu d’un plaisir aussi naturel ? » Il se met à réfléchir à toutes vos discussions, aux choses coquines que tu as dites. Quand vous étiez loin. Car elles ne t’engageaient à rien. Mais aussi et surtout, car ton cerveau assoiffé de plaisir ne manque pas pour autant d’imagination sexuelle et que ton corps languissant n’attend que de réaliser ses fantasmes. Un cerveau en ébullition et un corps dans la fleur de sa jeunesse, enchaînés par une idéologie sociale et religieuse, scellés par la peur de regretter ce geste si simple, si naturel. Et pourtant irrévocable. C'est la peur de l’inconnu, d’une déchirure de l’hymen qui induirait une déchirure de l’âme, difficile à rafistoler.
« Tu n’es qu’une allumeuse, en fait. Tu prétends être quelqu’un que tu n’es pas. » Et ses paroles t’écorchent dans le vif, comme une claque en plein visage. Tu accuses le coup, sans rien dire. Tu baisses les yeux, prise au fait. Tu as envie de lui dire que tu ne mentais pas. Cette femme coquine qui veut tout expérimenter de la vie, c’est aussi toi. Blessée, coupable, tu es aussi nue et vulnérable. Aussi proche de lui que deux corps peuvent l’être, tu sens soudain une distance s’installer. Le gap de l’incompréhension vous sépare maintenant.
Quel gâchis. Là où il n’y’avait que respect et bienveillance, vient s’infuser le poison de cette différence et la promesse déçue d’une nuit d’ébats.
Trop tard, il a raison. Tu lui as fait saliver le nirvana et à l’arrivée il n’a qu’un corps fermé avec lequel il ne peut pas interagir comme il le souhaite. A aucun moment, lui, ne t’a menti sur qui il était. Mais tu ne sais pas comment lui expliquer ce conflit intérieur que tu vis constamment en toi, entre la personne timide et croyante que tu es et le côté libéré, enclin à l'expérimentation, indéniable, de ta personnalité.
En réalité tu ne sais pas. Tu ne sais plus ni ce que tu veux, ni comment aborder la chose. Fallait il le lui dire dès le début ou le laisser seul te découvrir, en absorbant un peu plus certains aspects de ta culture. Toi, tu as carrément décidé de prendre la peau de ton alter ego. Celui de la femme coquine en toi, accro aux jeux sexuels, qui n’attend que le moment de se libérer au grand jour. Toujours à la surface, elle s’impatiente. Alors de temps en temps tu défais sa bride, car en réalité, tu n’as que ça pour exprimer l’intensité de tes désirs. Des paroles. Une relation virtuelle, certes, mais qui permet au moins à ton esprit de s’évader, protégé par les kilomètres d’une distance bien réelle et la perspective totalement incertaine de le revoir un jour. Au pire, tu lui diras plus tard. Tu auras toujours le temps de lui avouer ton petit secret. Mais le temps passe trop vite. Et le monde est à portée de clics. Alors tu te retrouves à y croire encore, à cette fausse personne que tu t’es créée, jusque dans son lit, jusqu’à ce qu’il s’apprête à s’insérer au plus profond de toi. Et là, plus de choix possible. Tu es obligée de crier ta vérité, aussi irritante et ridicule qu’elle l’est déjà pour toi et qu’elle s’apprête à l’être pour lui.
Arrête. Je suis toujours vierge.
Je ne suis pas sûre de vouloir perdre ma virginité aujourd’hui. Pas après tout ce temps à croire à la noblesse d’une idée de préservation de soi. Une idée à la base de laquelle une part de ma personnalité s’est construite. S’en défaire aujourd’hui va déstabiliser un peu ce socle, me forcer à me reconstruire différemment, à faire bouger les lignes de mes limites. Alors j’ai peur. Après tout ce temps à y croire. Pas maintenant.
Mais alors jusqu’à quand ? Et quelles garanties ? Dans un monde où tout est incertain, où plus rien n’est préservé… Où l’annonce de cette virginité fait plus l’effet d’une bombe que d’une bonne nouvelle. Elle fait fuir au lieu de forcer le respect. Elle fait fuir vers d’autres femmes, moins effarouchées, plus malléables… plus femmes ? Et, elles, sans contraintes, finissent la bague au doigt. Pendant que toi, avec tes principes et tes belles valeurs, tu accuses encore un coup et espères que le prochain comprendra. Cette personne qui va enfin donner un sens à tant d’années d’attente. Existe elle vraiment ?
En tout cas aujourd’hui, ce 11 février 2024, à 21h30, une chose est sûre, c’est que tu es toujours vierge. Vierge. Toujours. Pour combien de temps encore, rien n’est moins sûr.
L'allumeuse,
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